Rennes. Université Villejean : une employée renvoyée après avoir rangé les ouvrages par ordre alphabétique
« Les étudiants ne comprenaient rien à notre classement, il me paraissait donc judicieux de revoir celui-ci. 910.134 36, c’est pas une cote ça, c’est les chiffres du bingo ». Maryse était employée de la B.U de Rennes depuis 26 ans jusqu’à son renvoi la semaine dernière : « On ne dit pas bibliothécaire chez nous, c’est comme dire éboueur à un agent de salubrité, c’est pas glorifiant ». Cette dernière était lassée de voir les premières années de licence ne rien comprendre au système de classement. « Tout le monde sait que notre réseau n’a pas de logique, c’est un leurre« . D’après Maryse, le but initial est de sélectionner naturellement le trop grand nombre d’étudiants en première année : « On ne peut pas refuser les inscriptions, surtout après la loi sur l’autonomie des Universités. Cependant avec des amphis trop remplis, il fallait trouver des stratagèmes pour perdre des étudiants peu de temps après leur inscription. Au début, les secrétariats faisaient n’importe quoi pour les plannings des cours. Inscrire un L1 en sociologie en T.D de Mandarin pour L2 d’espagnol, c’était osé. Mais bon ça commençait un peu à se voir ces petites magouilles. C’est là que le Recteur a eu l’idée de créer un classement incompréhensible pour les bouquins«
« Depuis 2003 on se base sur les plaques d’immatriculations du Kazakhstan »
Plusieurs nouveaux codes de classement furent essayés selon Maryse : « Par exemple, un collègue a suggéré de se caler sur le classement des Pokémons, mais un Geek a réussi à décrypter notre codage trop rapidement. Alors depuis 2003 on se base sur les plaques d’immatriculation du Kazakhstan, directement depuis le réseau administratif d’Astana. C’est pour cela que nos connexions rament un peu des fois. » Le système est ingénieux en effet, on peut retrouver des ouvrages qui traitent de l’érotisme chinois dans les sciences humaines ou de la politique normande dans le droit administratif. L’étudiant qui n’aura pas pris le soin de bien noter la cote ne pourra jamais retrouver naturellement un ouvrage. D’après Maryse, ce ne fut pas la seule feinte utilisée par la Faculté de Rennes : « On savait que les profs donnaient les mêmes bibliographies. On retirait exprès les ouvrages et on les planquait vers le rayon « Que sais-je ? ». Lorsqu’un étudiant nous demandait s’ils seraient bientôt rendus, on disait qu’un autre plus rapide que lui avait déjà réservé les bouquins. En conséquence, les étudiants les plus motivés et aisés achetaient les ouvrages, les autres se barraient bosser au Mcdo. Un jour j’ai même dit à un étudiant en Master que le livre qu’il cherchait était conversé dans une l’annexe des sciences sociales… fermée depuis une heure. Là j’ai pris mon pied je dois bien l’avouer »
Mais au bout de 20 ans de carrière, Maryse commence à avoir des remords. Il est vrai également que la promesse de titularisation, jamais tenue en 15 ans, n’a pas aidé à garder le secret. Elle n’a pas pu donc s’empêcher de vouloir aider les jeunes boursiers : « Avec des L3, on a commencé à ranger les ouvrages en ordre alphabétique la nuit après la fermeture. On s’est fait vite griller par la sécu. » Maryse fut renvoyée pour faute grave : « J’aurais dû draguer et harceler un collègue enseignant avec plein de textos. Je n’aurais même pas eu un blâme, juste une petite interdiction de promotion »

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